Au Comptoir des Histoires, les héros ressemblent – presque – à n’importe qui et semblent sortir tout droit de notre quotidien, des aventuriers du normal aux épopées fantastiques, fantasmées ou non, qui fêtent leur licence 4 comme d’autres célèbrent leur bac. Dans ce décor un peu suranné, un peu jauni, on croise des coeurs brisés et des cons magnifiques, des rêves sacrifiés sur l’autel de la responsabilité adulte, des copains qui font semblant de croire à nos histoires juste pour ne pas nous faire de la peine, des joies partagées entre amis et beaucoup de solitude plus ou moins consciente. Peu importe, d’ailleurs, que le sujet soit des plus sérieux ou ne cherche en rien à porter à conséquences, il convient en toute circonstance de le traiter avec un petit sourire au coin des yeux, comme pour souligner que tout, finalement, n’est qu’illusion. Bien campé derrière son comptoir aux histoires, les tenanciers de l’établissement peuvent ainsi à loisirs nous entretenir aussi bien de drames écologiques («Substance») que d’addictions nous entraînant au fond du trou («Les assoiffés»), de ceux qui vivent seuls qu’ils soientdans la rue («Les restes du coeur») ou en permanence entourés («La solitude»), d’un ballon colportant un message «au gré du vent» ou d’un amour voué à l’échec tant ses protagonistes sont différents («Toute belle»). Qu’on fasse le tour du monde («Désosser Annie») ou que l’on reste irrémédiablement scotché au bar («Au comptoir des Histoires»), l’essentiel ici est de partager un moment simple, sans prétention, comme on le ferait entre amis autour d’un verre, de raconter sans fard petits déboires et grands bonheurs, légers enthousiasmes et ivresses débordantes. Car l’histoire de ce Comptoir n’est finalement pas autre chose qu’une histoire d’amitié, celle qui naît à l’enfance et, de passions partagées en rencontres désordonnées, finit par donner naissance à des chansons cuivrées qui racontent sans juger et mettent en avant, avec tendresse et humour léger, des personnages et des récits dont le quotidien tend vers l’universel. De leur Savoie natale aux routes de France qu’ils commencent à sillonner à un rythme soutenu pour fouler les planches des scènes locales, festivals, tremplins et autres premières parties, ces six piliers de Comptoir nous entraînent au fil des chansons de ce premier album, «Trêve de Comptoir», dans un univers chaleureux et poétique, engagé sans en rajouter, presque sans en avoir l’air, peuplé de héros ordinaires et de magie festive, de mots qui volent au secours de nos angoisses inconscientes et de mélodies enjouées qui chassent nos idées sombres. Alors, si vous aussi vous désirez connaître cette douce ivresse poétique, poussez donc la porte du Comptoir des Histoires, installez-vous au bar et laissez-vous happer par ces rêves de gosses à l’accent joyeux.